Voici un recueil assemblé et
en partie composé en 2000, à Château-Chinon dans le Morvan.
Atypique certainement, j'y ai mis des poèmes à la fois simples et drôles, gais
et inquiétants.
La zistoire au Cuicui
et les zot zhistoires à Tonton Thierry,
ça n'est vraiment QUE pour les zenfants !!!
La zistoire
au Cuicui
et les
zot zistoires
à Tonton Thierry
©
Le cuicui 2001
SOMMAIRE
HA ! ha !
Partie :
KEK zistoireS
pour rire !
UN AMOUR DE GIRAFE
J'écris, moi, des histoires à dormir allongé,
Des histoires légères
Comme le toucher de baguette des fées ;
Des histoires en couleur
Pour les rêves d'enfants
Quand les enfants ont peur
Et du noir et du blanc.
... Une girafe qui passait se penche un peu sur mon poème ;
Elle étire très loin son cou ;
Ses yeux couleur noisette ont de longs cils charmants...
Ah ! si j'étais un peu plus grand,
Un peu plus fou,
Je lui déclarerais tout de go que je l'aime
Et je lui sauterais au cou !
- Mais qu'est-ce que tu dis là ?
Dit l'animal touché
Par la ferveur inouïe de ma déclaration :
Tu écris des histoires à dormir allongé ?
Moi, mes trop longues pattes ne permettent pas
Que je vive l'Amour dans cette position !
Adieu ! pour nous la vie à deux est impossible...
La Nature m'a faite ainsi, inaccessible...
Et je suis opposée à la vivisection !!!
Elle s'en est allée de son pas de girafe
Rejoindre ces grands lacs où les fauves vont boire,
- Et ma girafe aussi -,
Lorsque tombe le soir
Et que la nuit se charge de peser vraiment
Sur les paupières lourdes, lourdes, lourdes,...
Des petits enfants.
sommaire
Echec au Roi
Quest-ce que cest ty que ce
roi fou
Quya des bouts de cailloux dans la tête ? !
Nom dun ptit bonhomme, cest vrai quil est bête :
On ne peut pas le marier du tout !!
Or chacun sait quun roi sans reine
Cest comme un vélo sans guidon
On saccroche où ? Où cest quon freine ?
Ce roi sans reine, il est bidon !!
En la matière politique,
Il est brillant
comme une poterne !
Son truc à lui cest le comique
Et ça nous met la Cour en berne
Toujours il joue, bijoux, cailloux,
Choux, hiboux, joujoux, genoux, poux !
Et quand il ne joue pas, il dort :
Ce roi nest pas conquistador !
Dans les coulisses du pouvoir
Celui qui tire les ficelles
Cest le grand fou du Roi, faut voir
Comme il attire à lui les belles !
Tant et si bien qu le roi âgé,
Il est foutu, râpé, fini :
Il va falloir le remplacer
Par un ptit prince, jeune et joli !
sommaire
Le petit
poème stressé
(poème à dire avec
un zeveu sur la langue)
" - Je suis un p'tit
poèm' stressé.
On m'a fait court ; je suis pressé.
Je peux juste aller jusqu'en bas
De la page - et c'est déjà ça ! (ad libitum)
Moi, mon unique liberté
C'est un bristol d'un seul côté :
J'ai le recto pour m'exprimer ;
Au verso, il y a des versets... (ad libitum)
' Quand on est p'tit on n'est
pas grand '
Partant de là, pour exister
Faut réfléchir avant d' parler
Et dire un truc intelligent ! (ad libitum)
Plus que trois centimètres avant
Le bas d' la page et c'est fini !
C'est pas beaucoup même en tout p'tit...
Vite ! une astuce... Ah ! j'ai trouvé ! (ad libitum)
Il suffit de se terminer
Tout comme on avait commencé :
' Je suis un p'tit poèm' stressé
On m'a fait court et compressé...' (au 3ème vers en boucle)
sommaire
A B C D E F G
Nicolas veut des dragées !
G
H I J K L M
Charlotte aussi car elle aime
M
N
O P Q R S
Les dragées que la maîtresse
S
T U V W
Donne aux enfants bien élvés !
W
X
Y Z
Car les dragées ça les aide
A
B C D E F G
A progresser sans danger ;
G
H
I J K L M
A résoudre les problèmes
M
N O P Q R S
De faiblesse ou de paresse
S
T U V W
Et peut être à me trouver
W
X Y Z
Une ultime rime en Z ! ! !
sommaire
Sauf
Hurler
Par un trou de serrure,
Bonjour !
Puis, demi-tour :
Sans rien attendre d'aventure,
Ne voir en un futur
Qu'un Tout obscur
- Sauf l'amour !
Passer
Dans une vie
Sans s'arrêter,
Mais vérifier
Qu'aucune envie
Inassouvie
N'aura suivi
- Sauf l'amour !
Jeter
En masse
Un bouquet de jonquilles
A la première fille
Qui passe
Et, volte-face !
Que tout s'efface
- Sauf l'amour !
Saigner
Un peu
Tous les matins
D'un petit chagrin
Comme il pleut
Dans les yeux...
Rien ne s'émeut
- Sauf l'amour -
Rien alentour ?
...
L'amour est... SAUF !
sommaire
Quelle histoire
de fous !
Y a pas la girafe
au long cou
Où çà ? Où
çà ? Où ?
Dans les égouts
à
- Egouts à
gadoue -
De
Ouagadougou !
Y a pas les Hippos
dans les eaux
Où çà bout
çà bout
Sinon les zizis
Sinon les Hippos
Rosiraient Z
au zoo !
Y a pas le Zébu si
bizarre
Mais où ? Mais où
? Zoù ?
Au Zambèze,
osons !
Disaient les
busards,
Cueillant au hasard
A coups de rasoir
Des roses zélées
Et des zébus laids
Pour les beaux
élus
DOz à
Zanzibar.
Y a pas le vilain
méchant loup
Hou là ! Hou
là ! Houuuu !
Dans le Chihuahua,
au Titicaca ?
A la mi-août,
Ni sur
lEtosha, ni même à Ghangsha !
Rien à Port-Vila
- Les cochons vont
gras -,
Ni à
NDjamena :
De loup y en a
pas !
Et à Lou
Tcheou ? Dis le loup, tes où ?
Où tas fait
ton choix ? Est-ce à Ushuaia ?
- Là !
Uddevalla, Vytegra, Wuhu ! ! !
Vite et gras
Hou hou !
Quimporte !
où lon joue, pas de loup du tout !
Y a pas de doux
gars à doudous
Des doudous
doù çà ?
Des doux gars de
goût
Au goût des
doudous
De
Ouagadougou !
sommaire
A la
Croqu'Odile
Moi jte croque Odile
A la croque-au-sel
Croyait lcrocodile
En croquant lAdèle
Car il sétait trompé dprénom
En recherchant dans lannuaire
Un divin restau où lpatron
Vous sert la serveuse au dessert
Vous sert la serveuse au dessert
Moi jte croque Odile
A la croque-au-sel
Croyait lcrocodile
En croquant lAdèle
Odile est la tante dAdèle
- Odile est tante
en dilettante !
Adèle, la nièce dOdile,
A des laitues dans le jardin
Adèle, es-tu dans le jardin ?
Sacré nom de nom !
Vous men direz tant !
Et cochon qui sen dédie
Ca crée des tensions
Dans les porcheries,
Et croco qui sent des dents
du fond !
sommaire
Variation
pacifique
Ma tante est à Tahiti.
A Tahiti ma tata,
Mytho, mate mon tonton !
Youkoulélé su l feu
Tamouré denvie
Mon tonton à Tahiti,
Tétant ma tante entêtée,
A tout du matou maté !
Youkoulélé su l feu
Tamouré denvie
Mon tonton et ma tata
Mitonnent un matété
Dmouton à Tuamotu !
Youkoulélé su l feu
Et tamouré denvie
sommaire
Les antis
Quand rien ne va plus
Que font les Antis ?
Dîtes ! que font-y ?
Je le donne en cent,
Je le donne en mille,
Je le donne en plus :
Ils sont mécontents
Ils sont difficiles
Ils sont excités bien pis que des puces !
Ils sont contre,
Tout à fait contre,
Et ils le montrent !
Les anti-mites militants évitent les anti-sémites ;
Les anti-dépresseurs prisant trop la presse dépriment ;
Les anti-fouling anéantis font des footings et des loopings en
Italie ;
Quant aux anti-européens
- Pour un, pour eux, pas trois euros ! -
Ils arpentent le cours dAjot
Et plantent là leurs doux bambins
Comme des bouts-dchoux de Bruxelles
Pour les beaux yeux dune Isabelle,
Les biscottos dun hidalgo,
ou pour un radis croque-au-sel
servi entre deux doigts dporto !
Les anti-moines amidonnés
Damnent la madone au dîner ;
Les anti-rouille ont dérouillé ;
Les anti-mousse tiquent,
Les antibio tiquent,
Et les antipathiques antithétiques
Tiquent aussi
Tous les anti-militaristes militent manu militari
Les anti-roulis roulent ;
Les antilopes lapent leau
Aux antipodes
A Landeleau ;
Les antinomiques nîmois
Miment la Monique et son plis minois
Tous les Antis font les méchants !
Cest écurant
Mais cest comm ça !
Et le monde, il est dans dbeaux draps !
Car tout le monde il est anti
Car tout le monde il râle anti.
Ben oui...
sommaire
LA ZISTOIRE AU
CUICUI
Un chézillon gayeux bisouillait
tengrement :
Tireli cuicui ! tireli cuicui !
Céfut le printété
Contété lauthiver,
Lontenguement de gre, de bre, de fre, de vre
Où quatreize estempêtes à cumulo tombâtes
Enzoù ? La maisau chézillon
Quétat mini !
Adonc a vrible, a gremble, a crâle
A crâle tantsi
Quétéfout la supra chocotte à le cuicui
Quétat itou chicrotte mini !
La la genule adrote aflanche et la gremblote au zailes bouts
Le chézillon dessus larbranche létoufou !
La trouillpépette vraimégament
Da por la brêle chézillette
Y ses zoziaux pareilkifement !
Bonheureuzment lava construt
La domignonne maisillette
Avé trocoup de kalitu !
Lavait magno de le chambris
Eda beauplein de fenêtules
Aussula dé chemiranda ;
Mêmla murelle éta gremplie de la volide
Et de chardoise abel crochée !
Tantébiensi qula maisoché
La brigrement résistenu
A les quatreize estempilettes
En lauthiver
Le chézillon gayeux bisouillait tengrement
Céfut le printété
Finaleureusement !
sommaire
Ho ! ho ! hou !
REPartie :
KEK zistoireS
pour REVER
Ou
Cauchemarder !
Le Papillon
et la Pâquerette
Tiens ! cétait le Printemps et je nen savais rien ?
Jétais tant occupé à des métamorphoses
Pardonnez-moi, je crains de nêtre pas très bien
Informé de toutes ces choses.
Jétais il y peu, rampante, une chenille,
Mon costume annelé, vilainement velu !
Vous nimaginez pas comme dans ces guenilles
On se sent à létroit, comme lon se sent nu !
Je voulus désormais un costume de soie ;
Chrysalide, jaurais une nouvelle vie !
Mais le rêve au réveil nest pas ce que lon croit :
Je me vis enfermée dans ce nouvel habit !
Chaque luxe a son prix ! Il fallait que jen sorte
Car limmobilité ne me sied pas vraiment
Mes pattes en poussant mont ouvert une porte ;
Je sortis papillon de ma prison dargent !
Depuis je me nourris du nectar que les fleurs
Aiment à distiller ; aussi faut-il me pardonner :
Si je rentre un peu saoul le soir,
Cest que de ci de là jai trop papillonné.
Je suis libre, à présent quaux clochettes des fleurs
Carillonnent les bruits bourdonnants du printemps.
Mais je cause je cause et jen oubliais lheure !
Je vous quitte, on mattends.
Voulez-vous prendre un peu du suc de cette rose
Ou bien préférez-vous une leçon de choses
Sur la vie qui sécoule au ras des pâquerettes ?
Regardez ! Penchez-vous, là, tout près vers le sol :
Le tapis quon croyait être un manteau de neige
Ce ne sont que des fleurs qui poussent leur corolle
Au dessus des brins dherbe et font un florilège.
Leur cur est si menu quil en est vert encor ;
Est-ce davoir fêté le départ de lhiver ?
Une abeille butine ou peut-être dévore
Une miette tombée depuis lastre solaire.
- Pâquerette jolie, mignonnette des prés
Lon taime un peu
et tu perds un pétale ;
Beaucoup
et le second de ta robe est tombé ;
Passionnément
Ce jeu est vraiment infernal ;
A la folie ? Cest le moment de sarrêter !
Quelque beau brin de fille occupe vos pensées ?
En effeuillant, anxieux, cette petite fleur,
Nest-ce pas de lamour que vous allez chercher
Vers la bouche de celle à qui tient votre cur
" Tiens ! Voici ! Prends ma pâquerette,
Dernière enfant de la beauté ;
Ta benjamine, ta fluette,
Ta ressemblance dans les prés. "
sommaire
Bord de mer
Passés les feux de la Saint-Jean, voici lété !
Cest un désir de plage qui nous prend,
De sable chaud ou de galets,
Dun océan de bleus intenses
Et dun soleil si haut, si haut,
Que son reflet sen vient laper
La plus petite vaguelette
Qui danse libre dans lété, parmi les flots.
Le ciel est bleu comme la toile dun grand maître ;
Et dans les airs une mouette
Cherche en dansant les courants chauds
Qui la reposent.
Les vagues dont on sait quelles sont laquarelle
De quelque peintre extrême, en haut, dans les nuées,
Sans cesse allant venant repeignent au rouleau
Cette toile de sable et deau
née de lété.
Souvent les anémones, nénuphars des flots
Tapissent démotion le fond de ce tableau.
Paysage fleuri, couleurs complémentaires,
Lorsque lor du soleil se mélange à leau bleue,
Et que du magenta, lanémone de mer
Vient rehausser le tout
on se surprend à croire en Dieu.
Et si lon faisait linventaire
Du monde qui dessous la mer
Nage ou senfouit ?
De tout ce qui lété venant
Se reproduit
Et que lon pêche.
Divins homards et vous, dormeurs
Qui somnolez sous les cailloux
Dans les casses deau, dans les trous
Réveillez-vous !
Lorsque le mer est retirée
Méfiez-vous du pêcheur à pied !
Et vous les seiches ne restez
Auprès des cales abritées !
Prenez le large, crustacés,
Céphalopodes et poissons !
Lhomme pêcheur vous aime assez
Mais cest pour
la dégustation !
Et sil vous veut dans son assiette,
Priez, priez Poséidon !
Quil nous déclenche une tempête
Ou quil dépêche à vos côtés
Quelques sirènes qui sauront
Tourner la tête
Du pêcheur à pied !
sommaire
Le Maître de
peinture
- Ce soir quand la nuit tombera
Nous peindrons un tableau !
La nuit tombe...
Peignez !
Nous dirons pour simplifier,
Que la lune est triste...
J'ai dit : la lune est triste.
De sa bouche pendante
Perlent de petites larmes de rosée.
Trempez, sans un mot,
Le pinceau
Dans ces pleurs immortels....
Commencez... L'AQUARELLE !
(Le maître apercevant l'esquisse
d'un élève : )
Voici qui est bien fait !
Ce chapeau qu'on voit là....
L'élève :
- C'est un toit !
- Cette vitre...
- Est un il... Ou, parfois...
(il tourne le miroir qu'il tenait
,vers le maître)
Le visage grinçant de l'orgueil !
- Cette porte...
- Est la bouche !
- Cette pierre...
- Est la dent !
- Où est l'Eternité ?
- Elle est cachée dedans ...
sommaire
Poème à Lou (la
petite fille de Jean-Pierre Rosnay)
Joubliais.
Cest le vent dOuessant qui frappe à ma fenêtre et qui dit
les secrets que les vivants dici ne savaient.
Je cours à la lande décrocher le bouquet de genêts qui sur
londe posé, montre la vague où la mouette échappée de lécume prend son
vol de libre certitude.
Vive toi, lenfant qui vient à nous, et vivent ceux qui
taiment ! Les portes dun vieux manoir souvrent devant toi et la
faucheuse qui tenait les lieux séloigne ;
Il y a, sur le bord dun carré de pierres, douze korrigans qui
fredonnent en se balançant doucement (comme un brin de genêt dans le vent
dOuessant...) ;
Il y a une vague au diapason de locéan qui est la tienne et sur
elle on portera les voix célestes des sirènes jusquà toi ;
Il y a la grande ourse et la petite ; et cette étoile aussi
quils ne nomment jamais ;
Il y a des nuits de lune et des matins de brume ;
Il y a des soleils en hiver, surtout pour les roses nouvelles et des
crachins comme des larmes de bonheur sur tes deux joues ;
Il y a tes sabots et ton petit tricot ; Job et sa cornemuse ;
un concert de binious et il y a surtout dans les bras dune fée
le gui que la serpe des druides a coupé ;
Il y a tout cela et plus dans les vux que la Bretagne fait pour
toi, lenfant Lou, la petite marraine, follette dont le feu séduit déjà le petit
peuple.
Exulte ! Vis !
Pose tes pas où jamais dautres nont osé !
Sois et fais être !
Tel est ce vux que le vieux monde, en ce jour prévenu, pose à
tes pieds.
sommaire
Les petits rats
Les petits rats
rêvent détoiles
Dans les couloirs de lopéra.
Ça vous grignote un entrechat
Du fond de lâme,
Un petit rat qui fait ses gammes
A lopéra.
Ça vous répète un saut de chat
Sans se lasser,
Une arabesque, une glissade
Un échappé,
Un petit rat qui se voit déjà
Coryphée !
Puis, coryphée, qui rêve dêtre
Un jour dans le corps de ballet,
Première danseuse peut-être,
Et à lissue dun grand succès,
Danseuse étoile proclamée !
Les petits rats rêvent détoiles confirmées !
Danser, danser sa vie, comme on prendrait le voile,
Avec au fond du cur un bel espoir détoile,
Cest tout donner de soi, tout recevoir
dautrui :
Un drame de douleur
Pour un rêve de fleurs
Puis lâme senvole, infinie !
Et lon chuchote, et lon se dit,
Dans les couloirs de lOpéra,
Que toutes les étoiles ont une place en paradis
Si lon écoute bien la sueur et les larmes,
Qui perlent des parquets de bois et des tutus,
Une place de grâce et de beauté, de charme,
Entre la bonne Vierge et le petit Jésus.
sommaire
Un Clown aimait
une Lumière
Un clown avait pour une étoile
Des bouquets tendres dans les yeux.
A laphélie de son étoile,
Il soupirait damour pour deux
La belle traversait les airs
Comme un ange au vol suspendu :
Si menue sur son fil de fer ;
Si gracieuse dans les nues.
Un clown aimait une lumière,
Une comète aux doux cheveux
Mais comment paraître sérieux
Quand on amuse le parterre ?
Il régnait en bouffon grotesque
Sur les rires désaccordés.
Parfois les rires montaient presque
A la hauteur de son aimée
Un clown aimait une beauté
Bien au-dessus de ses moyens.
On le voulait mal fagoté ;
On sen moquait pis que dun chien.
Tant elle était vive et légère,
Tant il était lourd et honteux.
Ce quil rêvait depuis la terre
Elle en avait rempli les cieux.
Un clown aimait une danseuse
Inaccessible sur son fil ;
Et toujours la foule odieuse
Raillait son pauvre amour fragile
Chaque soir après les adieux
Il pleurait sur le fil de lair
Le bonheur que de tous ses vux
Il appelait depuis la terre.
Quand les lumières de la rampe
Avaient éteints leurs yeux de feu,
Sous le pâle éclat dune lampe
Il restait seul et malheureux.
Il se voyait dans le miroir
Et mesurait, pauvre phalène,
La vanité de ses espoirs
Comme un fou séprend dune reine.
Sur la joue du clown amoureux,
Du pantin à la triste mine,
Coulait une larme blanc bleu
En désespoir de colombine.
Le clown adorait cette fée
Comme on peut aduler un dieu.
Un soir sur la piste étoilée
Il a fermé les yeux
Il a voulu, Pierrot lunaire,
Dans un ultime élan damour
Offrir son cur à sa bergère
Et la rejoindre pour toujours
Hélas le rire dun Auguste
A froissé son rêve soyeux.
Et le cur du petit clown fruste
A cédé sous le poids des cieux.
Alors les enfants de la piste
Tous les moqueurs, tous les fâcheux,
Ont pleuré le petit clown triste,
Le pauvre Pierrot amoureux.
Mais la chanson dit quune étoile
En cet instant sest allumée
Sous le grand chapiteau de toile
Bien au-dessus de la mêlée
Et le clown qui rêvait daimer
Autant quen amour il se peut
A rejoint ce soir-là les cieux
Où dansait la belle espérée
sommaire
La Légende des
cent Géants
à Er Lanic.
Ceux là qui avaient peur de l'eau
Voyez comme ils marchent sur les
vagues !
Désormais l'océan assagi
Déroule sous leurs pas des tapis de marine
Vers L'orient.
On dit, mais en cela je rapporte le chant des
sirènes,
Que la lune était pleine et que dormaient les
eaux.
Or pour faible qu'il soit, le chant d'un vieil
hibou
Déploie ses
ailes de magie sur la Saint Jean.
Je ne suis qu'un
enfant ;
Je vais à pas
feutrés parmi les champs de pierre
Eveiller le hibou,
Lorsque la lune est
pleine
Et que les âmes
des géants
Ont des fourmis
pleins les genoux...
Je ne suis que
l'enfant de Saint Jean,
Feu follet des
légions de l'ombre.
A mon bâton de
chêne noueux
Flotte, silencieux,
l'étendard de la nuit :
Disque d'argent sur
fond de toile noire pailletée
S'il claque le
rappel des âmes,
Il faudra, les
passants, passer,
Rentrer vos dames.
Ceux-là qui
avaient peur de l'eau
Voyez comme ils
plongent dans la vague
Désormais, à six
pieds sous la crête des flots
Pointent leurs
dagues.
On dit, mais en
cela je rapporte le chant des sirènes,
Que la lune était
pleine et que grondaient les eaux.
Or, que l'on scelle
un feu à la Roche qui Tremble,
Et son balancement
semble d'un bâtiment.
Je ne suis qu'un
enfant de la race de Cian
Je vais à
cur brûlant animer le rocher
Du mouvement des
eaux
Lorsque la lune est
pleine
Et que les crocs de
CENT géants
Guettent l'approche
des bateaux.
Je ne suis que
l'enfant de Saint-Jean,
Fils de
Lug-au-long-bras, Dieu lumière :
A ma lanterne les
errants sont éphémères...
Une voile perdue...
ô marin, vois la flamme !
Et vire un cap au
nord ou bien remets ton âme :
Où la septième
lame a de franche coudées,
On entendra le
chant des morts avant l'été...
Ceux-là qui
avaient peur de l'eau
Voyez comme ils
crochent dans la vague
Désormais,
lacérées sous la griffe des flots
Rompent les
cargues.
On dit, mais en
cela je rapporte le chant des sirènes,
Que la lune était
pleine et que hurlaient les eaux.
Or s'il reste une
chance encore au naufragé,
Elle est infime
quand la trompe joue du vent.
Je ne suis qu'un
enfant
Né du songe des
runes
Je porte le torque
d'Etain et le croissant
Je vais,
parachevant les ordres de la lune,
Aboucher le carnix
et déchaîner le vent.
Je ne suis que
l'enfant de Saint Jean, le très nain,
Le rejeton de tous
les temps, mais les géants sont à ma main
Car j'ai le souffle
des gorgones
Et le pouvoir des
quatre vents,
Je sais le chant
qui déraisonne les courants.
Je sais encore,
étant sans âge,
Que ce marin ne
vivra pas
Déjà qui prie, se
décourage
Et qui se noie.
Ceux-là qui
avaient peur de l'eau
Voyez comme à
regret ils regagnent l'estran
Désormais, c'est
léchés par l'écume des flots
Qu'ils se racontent
leurs Saint-Jean.
On dit, mais en
cela je rapporte le chant des sirènes,
Que la lune était
reine de CENT-UN géants...
sommaire
La Vengeance
des Poupées
Dans un coin de pénombre au grenier,
Entre les malles et les toiles
d'araignées,
De très belles poupées anciennes
s'ennuyaient :
" Porcelaines et chiffons,
Fanfreluches et
crépons
"
Lorsque filtre sous les combles
Une lune au vert rayon,
On voit les poupées revivre,
dirait-on...
C'est minuit... Ou, peut-être, il
n'est d'heure à présent
Que le monde sans vie se reprend.
Sous le doigt de Phbé
Cette chose qui brille,
Est-ce un vers ? une bille ?
Ou l'étrange vision
D'un il jaune et perçant de
poupée ?
C'est
à l'heure où se ferment les ailes des anges
Et les yeux dans les lits
Que les rêves des enfants dérangent
Les mamies...
C'est
un il donc ! il vit
Et déjà le silence est trop lourd.
A présent ils sont deux, puis deux
paires autour
Qui s'éveillent et scrutent la nuit.
Bientôt l'ombre amadouée l'on peut
voir
Que ce sont trois poupées dans le
noir :
Et Pauline et Rosette et Fanny
Qui papotent, complotent ainsi.
La première poupée fait un signe
Invitant ses amies à l'aveu
Et d'un geste précis leur désigne
Epinglette, bougies et cheveux...
Claudicante, la petite tricote
peut-être un pull
Et la grande à son bras fait un pas ;
La troisième défait son chignon
ridicule
Et s'ébat.
" - Cela fait bien longtemps,
longtemps,
Dit la poupette puînée,
Que notre petite maman
Nous a, vilaine ! abandonnées...
Souvenez-vous, surettes, quand
Au soir de son rêve engrossée,
Elle nous a si méchamment
Oubliées dans ce noir grenier
Mais la lune a changé de camp :
Occupons-nous de son
bébé ! ! "
C'est
la vengeance des poupées fille perdue !
Qui tard se trame sous les poutres du
grenier,
Lignorais-tu ?
La
plus laide poupée s'ébaubit ;
La noiraude se frotte les mains ;
La mignonne ricane de l'ignominie
Et saisit une peau de chagrin.
Aussitôt sous la lune on apprête
Tous les ingrédients de la
sorcellerie :
Les bougies, les cheveux,
lépinglette...
Et commence la cérémonie !
La pénombre ne laisse rien voir ;
Cest loreille qui dit ce
que font
Les horribles fadettes de notre
histoire
Penchées là sur le vieux
guéridon
Leurs menottes malaxent, raniment
Une pâte de cire et de son,
Et parfois des crachats enveniment
Ce mélange à létrange
mission
Puis, froissant le silence effrayé,
Comme on lance en la nuit un long
hululement,
La triade aux accents éraillés
Psalmodie lanathème de
lenvoûtement :
" Alabri-cadabri-cadabra !
Badaboum-abobo-lebébé ! "
Les naines malsaines ont levé le
bras
Et piqué méchamment leffigie de
bébé.
C'est
la vengeance des poupées, mal entendu,
Qui hante les rêves légers
Tout est perdu !
Brusquement,
branle-bas de combat !
La maison se réveille en
sursaut :
Tout se presse, on sinquiète
tout bas,
Penché sur le fébrile berceau.
Quelle mouche a piqué le sommeil
Du bijou qui dormait en cet écrin de
soie ?
Lenfant hurle à la mort, la
maison se réveille
Il faudrait quelque chose
mais
quoi ?
" Je
connais, dit la mère, un remède à ce mal ! "
Aussitôt elle court au grenier.
Et, fouillant par instinct dans une
ancienne malle,
En extirpe trois belles poupées
" Ah !
Pauline ! Rosette ! Fanny !
Venez-là, mes mignonnes
chéries !
A vous trois je confie cette grave
mission
Dapaiser mon petit
nourrisson ! "
A-t-on vu cet instant le sourire
entendu
Que séchangeaient sans bruit les
douceâtres marraines ?
Ou senti, remarqué comme elles ont
tendu
Leurs menottes albâtres de
porcelaine ?
C'est la revanche des poupées, bien
entendu,
Qui tisse son rêve enchanté,
Nen parlons plus !
Quand tout près dun berceau
cette nuit,
Dans un rai de la lune émeraude,
Radieuses, veillaient, sans un bruit,
les ribaudes,
Sur lenfant calmement
assoupi
sommaire
A Cherche-Poux
Ode à la très glorieuse gloire
du F.L.N.J.
Canal hystérique !
Or, nous nous mîmes brusquement à détester les nains.
- Non pas que nous eussions à nous plaindre d'eux -
D'ordinaire, les nains vivent en bonne intelligence avec les fous !
Mais cela prit un soir de lune,
Un soir de chou,
Après la danse des Fortunes
A "Cherche-Poux".
Qui eut le trait ?
On ne peut dire,
Un nain ? Un fou ?
C'est au délire que les reins doivent des coups...
Car cela prit un soir de lune,
Un soir de chou,
Un soir que la blonde était brune
A "Cherche-Poux".
Partout on vit s'armer des nains
Comme des fous
Fourchettes, couteaux pour les uns ;
En face, nous,
Qui portions piques et machettes - coupe-choux.
Puisque ce soir était de lune,
Etait de chou,
Après la danse des Fortunes
A "Cherche-Poux".
Chaque bosquet recèle un nain
- s'il n'en est qu'un -
Or chaque branche porte un fou
- pas fou du tout - :
Car de plus haut se voit le nain,
Mieux il s'en joue...
Ainsi du moins pensaient certains
Parmi les fous.
Mais chez les nains c'est autre chose
Voyez-vous...
On dit du fou que sa névrose
Gobe tout.
Donc à labri de ces bosquets
N'étaient de nains
Que peu ou prou,
Pour peu qu'ils soient vu d'assez loin,
De haut surtout !
Ainsi leurrés les fous
Sautaient à se rompre le cou,
Sur des nains, factices, de caoutchouc,
Des nains de jardin, dirons-nous !
Bientôt la stratégie des nains
Allait avoir raison des fous
Quand dans la nuit blanche une main
Soudain moucha la lune-chou
Et ce fut dans lobscurité
La grande réconciliation :
Les nains à petites foulées
Sautaient au cou des histrions !
De leur côté les fous avaient
De délicates attentions
Pour tous les nains quils rencontraient,
Pour tous les nains
sans rémission !
Cela dit pendant que les uns
Amidonnaient la lune-chou,
Les autres, prévoyant en tout,
Soffraient une poignée de nains.
Mais un gnome malin ricanait dans les bois
sommaire
Le
Tango des garçons bouchers
A l'occasion, les chats seront
châtrés,
S'il faut aller jusque là, cher
collègue,
Pour découvrir, de l'immortalité,
Le grand secret que la science nous
lègue !
A l'occasion, les chats seront
châtrés,
Les chiens coursés, les oies gavées
et les colombes,
A la cuiller, on va les dépecer
Et s'il le faut, les finir à la bombe
!
Hardi petit ! Faut pas traîner
Tranchons coupons ouvrons scions cette
bestiole
A vos couteaux ! Pas de quartier !
Je prends la tête, à toi les bras et
les guibolles !
Ah ! que de sang on va verser
Pour aller farfouiller au fond de ses
entrailles !
Ca va tâcher nos tabliers...
Tant pis si c'est pour que la science
nous le baille,
Ce grand secret d'éternité,
Celui qui fait rêver les vieux et les
femelles
Et babiller les nouveaux nés
Déjà prostrés sous les jupons des
jouvencelles !
De l'occiput au péroné
Sans oublier bien sûr le grand
zygomatique
On va chercher - on va trouver -
Le nerf de la longévité diplomatique
Le truc en plus dont ont rêvé
Tous les papys de la cinquième
république
Et par lequel ils vont gagner
Des points sérieux dans les sondages
politiques
Ah ! Trifouillons donc ce colon
On n sait jamais : le grand
secret y est peut-être
Et ouvrons lil au cas où
cquon
Le voit passer candide au bas de la
fenêtre
Au pis-aller, dans les abats,
On trouvera de quoi combler les
empathiques,
Les vieux briscards, les pieux soldats,
Les habitués de la cuisine politique.
On leur fera, juste retour,
Un plat dandouille au beau fumet
démagogique,
A ceux-là qui nous ont pris pour
Des niquedouilles à leur façon
diplomatique !
Alors ouvrons la carmagnole,
Piquons, tranchons, sans honte en la
basse vérole,
Car plus sont hautes les idées,
Moins en pratique elles seront suivies
deffet !
Oui da !
sommaire
Hum ! hum !
DEPartie :
KEK ZOT zistoireS
pour REFLECHIR
Conseil à
l'Autre
Quand ce
que tu écris te semble malheureux...
N'écris pas !
Quand ce que tu as dit pleure au coin
de tes yeux...
Ne le dis pas !
Quand il te prend l'envie de nous vomir
un feu
Qui ne soit pas de joie,
Eteins !
Ferme les yeux et vois :
Ici sont les ténèbres vides de ton
âme ;
Ici est la caverne où la souffrance
brame ;
Ici sera bientôt la chasse
d'aujourd'hui
Si malgré tout le verbe est dit...
Tu dois apprendre à désapprendre !
Quand des braises tiédies, le foyer se
rallume...
Jette la cendre !
Quand un relent d'avoir été masque ta
plume
A se méprendre
Ou quand un vieil hiver gèle sur toi
sa brume
A te surprendre,
Fuis !
Ferme la porte et pars !
Demain retentiront les trompettes
sonores ;
Demain le cur battra quand se
taira le cor ;
Demain quand tu diras : " ce
soleil est le mien ! ",
Si tu le suis, n'emporte rien !
Il y a des chemins qui jouent à ciel
ouvert...
Au pays de l'espoir !
Il y a des matins riant de sources
claires
Auxquelles tu peux boire !
Il est de grands destins portés par la
lumière
A travers le miroir
Du temps...
Ne te retourne plus sur le soir
Qui descend...
Va ! Je t'attends...
sommaire
Un Poète
" Un poète, disait lenfant , cest quelque
chose que lon suit comme un oiseau suit un bateau. Javais des ailes, et je ne
le savais pas. Dabord on est posé, là, sur le bastingage. Alors le vent
la
toile
et la Vie désormais entreprend de souffler, de claquer. Tu es petit encore.
Mais tu penses déjà quavec ces ailes-là, ces plumes bien serrées, cette
aspiration, cette envie de voler
tu décolles ! cest tout : nous, naturels en
somme !
Un poète est comme un oiseau : il te montre le champ de
lair ; au plus haut il tengage. Un poète fait naître un grand souffle
intérieur, et comme on est porté ! Vers quoi ? Les horizons illimités reculent, et le
monde tremble devant soi...
Un poète ça dit : "Je te montre lAir". Ca ne vole pas
forcément. Ca ne nous apprend pas non plus comment voler. Ca seulement suggère... Ca
nous élance sans filet parce que quelque chose en nous a vraiment remué, quelque chose
de vrai qui te sourdait au fond, sans doute trop profond pour jamais tévader par
tes seuls, par tes propres moyens
Un poète te sème un champ de blé dans
lâme : et ça te donne enfin un air de papillon. Un poète te dit : "Va vers
tes fleurs à toi ! pille-les ! grandis-les !" Et soudain les voici comme forêts
fleuries.
Un poète, ça prend, la plupart de ton temps, un chemin différent. Ca
quelquefois te suit, le regard à la proue, comme un bébé de lui ; Mais toujours il
poursuit sa route... Et cependant toujours il montre tant damour, que tu crois bien
quà force de te regarder, il va peut-être séchouer, pauvre poète
Un poète, peut-être, cest un sacrifice. Ca na pas un
soupçon de jalousie. Ca se survit vraiment par ton prolongement. Comme un bateau à voile
aime la mouette qui prouve la terre. Un poète, cest un nid de mouettes. Cest
le premier, le seul inventeur de la terre ! Ca rêve, et lorsque toi si petit tu te prends
à son rêve, quand enfin tu y crois, alors toi tu grandis ! Tu confirmes le rêve et tu
lui donne vie. Alors tu changeras tes sandales de glaise contre les ailes du soleil.
Bientôt tu brilleras plus fort après minuit. "
Et le petit disait : "Mon poète bateau, oh !
je vous en supplie, ne me le coulez pas ! Il est la source de la Vie. Il rêve et de son
rêve naîtra ta réalité... Ce quil invente ne peut être, mais toi, de ce qui ne
peut être, tu fais ce qui sera demain. Un poète ça na quune seule obsession
: créer dautres poètes
et disparaître à bon escient."
Bien entendu, le petit ne disait pas cela; il ne le disait pas ainsi.
Mais je compris, moi le poète, ma force et la sienne, mon rêve et sa réalité, notre
futur... Je traçais un long sillage dans le vaste océan des possibles, et nombreux ils
vinrent, les blancs oiseaux des autres mondes, se ressourcer à mon bâtiment pour enfin
sélancer, enfants émancipés par les rêves éclos, sur les voies esquissées de
notre espoir commun.
sommaire
Le Cormoran
Pauvre
petite bête, ô pauvre oiseau blessé !
Ta robe était de plume noire, avant
l'été...
Mais ils sont arrivés, imbus de leur
puissance,
Pour souiller locéan sans un cas
de conscience.
Malheur au cormoran qui baigne et
pèche en mer !
Il ne sait rien de l'homme et du nerf
de la guerre...
Il plonge dans les eaux, sa quête est
naturelle,
Son il vif et ses
plumes ?
Il ne se soucie d'elles !
Elles lui font toujours ce vêtement
glissant
Qui permet la puissance et la rapidité
Pour happer sa pitance... Ah ! Mais
jusqu'à l'instant
De remettre le cou hors de l'eau ! Là,
danger !
Une substance noire, étrangement
visqueuse
Attend l'heure où la tête
imprudemment heureuse
Aura percé la nappe ignoble de son
piège...
Alors... Alors on voit sur le petit
écran,
Comme on verrait un reportage sur la
neige
- Mais cette fois le fond n'est plus
tout à fait blanc -
On comprend bien, disais-je, où se
place le tort...
Moi qui suis druide et celte au fond de
mes entrailles
Et vibre en l'océan, sa faune, aussi
sa flore,
Au moindre de mes souffles, à mes cent
mille écailles,
J'ai vu, mentendez-vous, ce noir
corbeau marin
Lisser ses plumes engluées dans le
matin.
Son il glauque est brûlé ;
il ne voit plus, s'étonne,
Et sans réaliser tout ce qui
l'empoisonne
Il sen retourne à l'eau laver sa
robe noire,
Et meurt - quelle ironie ! - de
son dernier espoir
Hommes ! massacrez-vous ! faites
saigner vos chairs !
Mais laissez-nous en vie les oiseaux de
la mer
Et les petits enfants qui leur courent
après
En poussant, excités, de petits cris
dorfraie,
Et avec leurs grands yeux ouverts, leur
grand yeux bleus,
Bleus comme était la mer, avant vos
jeux...
sommaire
La Fable des
trois perdus
" Avant tout, c'est
au vent
Qu'il faut semer la graine
Et non pas contre lui !
Dis-moi bien franchement :
Que crois-tu qu'il advienne
Aux jeunes oisillons qui sont tombés du nid ?
Le loup les mangera si la buse les manque...
Ne mets donc pas tes pieds dans ce champ plein d'orties !
Si l'un perd, l'autre passe et le troisième manque ! "
Une mère parlait ainsi à ses petits
Et chacun demandait ce qu'elle avait pu dire
A l'autre se taisant de n'avoir pas compris...
Aucun ne songea bien longtemps à ce délire !
Le premier, c'est laîné, déserta la famille.
Avec en poche un sou d'argent, il alla voir les filles...
On ne le revit plus car il devint brigand.
Le second, son cadet, voulu lâcher la rampe :
A son tour il songea d'aller chercher en ville
Le frère qui manquait, au destin si subtil !
On perd souvent sa foi quand un alcool la trempe...
Et c'est ce qu'il advint du second garnement.
Le troisième ayant pris connaissance du sort
Que la vie réservait à ces âmes d'enfants,
Se dit qu'il était grand, ne craignait point la mort,
Et jura de sauver ses frères imprudents !
Que croyez-vous qu'il fit ? La drogue a des vertus
Mais... pour le Diable seul, qui fit en ricanant
Un triptyque linceul pour les âmes perdues...
Et l'on se retrouva, certes
mais chez Satan !!
" Avant tout, c'est au vent
Qu'il faut semer la graine
Et non pas contre lui !
Dites-moi franchement :
Est-il joie qui advienne
Aux jeunes oisillons qui sont tombés du nid ?
Mon feu les rôtira si le grand loup les manque...
Il ne fallait pas mettre un pied dans les orties !
Si l'un perd, l'autre passe et le troisième manque ! "
Voilà ce que chantait le Diable à ses petits !!
sommaire
Le Bocal
Dans son musée de glace
- ALLO ! ALLO !
Dans son musée de glace
Comme un poisson dans l'eau.
Il y passe et repasse
- ALLO ! ALLO !
Se place et se déplace
Comme un poisson dans l'eau.
Dans la vitrine en face
- ALLO ! ALLO !
Par le verre et la glace
Est un poisson dans l'eau.
- HELLO ! HELLO ?
Et tourne en ta prison de glace,
Petit poisson rouge au cur gros !
Tourne et me vois, là, dans la glace !
Dehors, il ne fait pas plus chaud...
Dans la prison d'en face
- CIAO ! CIAO !
Le petit cur de glace
Est resté sans écho
écho
écho écho ...
sommaire
L'Enfant, la
Rose (et le fromage)
Tu sais très bien, y' a pas d' secret :
Ta vie, petit, c'est jamais toi qui la fais...
Tu peux rêver de l'Italie,
Venise, Rome, Naples et Gènes ;
Tu trouveras toujours ici
Une autre voie qui te promène.
Ailleurs, la lune brille encore,
Inattendue, parfois plus fort,
Qui met aux joues d'autres visages
Un blanc laiteux comme un fromage...
- Et les fromages, en tous pays,
Ce sont les vaches qui les font ;
Parfois les chèvres, les brebis,
Mais jamais les mâles moutons ! -
Tu vois, ailleurs c'est différent,
Mais dans la forme, pas le fond :
Les lois qui frustrent les moutons,
Ce sont les mêmes en tous les temps...
Alors tu vas souffrir un peu,
Toi qui rêvais à l'Italienne,
Si ton Destin te mène à Vienne
Où sont les valses sans les dieux !
Et toi, petit, qui te trouvais
Un goût précis pour les antiques,
Tu le reconnaîtras parfait,
Intact au cur de la musique.
Les voies nous semblent différentes...
Elles vont toutes au même point.
La vie qui parfois désenchante,
Au fond, souvent s'arrange bien !
Pense aux moutons, jeune futur,
Et garde tout contre ton cur
Un rire franc pour l'aventure :
Je te promets un grand bonheur...
qui dure !
sommaire
Comptine
Matins, matines,
Paysages, paysages...
La belle comptine
Des enfants sages.
Le preux chevalier,
La jolie princesse,
S'en iront à pied
Cueillir l'edelweiss.
- " La main dans la main,
Marche sans parler !
Fuis dans le lointain
Le glas et l'épée ! "
Les nobles sanglants
Que la chasse aguiche...
Un cerf en fuyant
Protège sa biche.
La meute enragée
Envahit le bois !
La biche a pleuré
Le cerf aux abois.
Les tendres amants
Ont été punis
Mais c'est dans le sang
Que l'amour unit !
Matins, matines,
Paysages, paysages...
La belle comptine
Des enfants sages.
Les tendres amants
Ont été punis
Mais c'est dans le sang
Que l'amour unit !
sommaire
Un enfant naît,
un enfant meurt...
Et le même petit matin blême en la terre,
Sur le chemin de Vie, curieusement dépose,
En ce lieu, son regard de pétales de rose
Et nous plante plus loin ses épines amères.
Ça ne change pas la face du monde ;
La face du monde est toujours gironde,
Rigidement campée sur ses feuilles de comptes,
Elle na pas pris un point noir sur le nez,
Pas non plus un seul grain de beauté
Une enfant meurt, une enfant naît
Comme si lon avait, sur un lancer de dés,
Jouant entre les deux petites la Misère,
Promis tout le soleil de lhiver à lété
Et donné lombre à lune, à lautre la lumière
La face du monde est toujours égale.
Elle somme, elle intègre précisément
Les gentils bonheurs, les méchants malheurs, les événements
Un enfant naît, un enfant meurt
Qui écrit cette loi infâme et délétère
Qui sillustre en vidant dune maternité
Ce quil faut pour combler un trou de cimetière,
Ôtant à celui-ci ce quà lautre est donné ?
La farce du monde est extrêmement
Myope, sourde et muette !
Une enfant meurt, une enfant naît
La joie de lune fait pendant au désespoir
Qui voile le château de lautre en cet instant.
Et surgissent alors ces anciennes histoires
De bonnes fées penchées sur des destins denfants
Que na-t-on invité cette male sorcière
A présenter ses vux comme les autres fées ?
Que ne la-t-on conviée
A tisser lécheveau
A légal des marraines
Sur le tendre berceau
Est-ce que cet écart layant mise en colère
Elle plante aujourdhui son épingle de haine
Dans le cur attendri dune tremblante mère
Et la laisse posée comme un arbre blessé,
Dépouillé de son fruit
Sur le bord de la route.
Parfois la lune amie,
Dans un clin dil déclipse
Mouchetant un rideau de nuages hâbleurs
Lui caresse la joue de son rayon de gypse
Dans les limbes la harpe dun angelot pleure
Un adagio dapocalypse
On assassine Albinoni.
Ailleurs un bon gardien
Qui avait plus de chance
Volette autour de lâme éclose de lenfance
Applaudissant à toutes mains
Et lon voit, si lon pense
Comme pour conserver son incroyable chance
Il serre fermement ses minuscules poings
Mais chaque jour,
En dépit de ce que lon fait, quoi que lon dise
La Vie meurt à petites doses
Sur les joues roses
Quune bise,
Toujours inquiète, endort dAmour.
A quoi tient la raison principale des choses ?
Puisquil est une mère,
Tant quil reste un enfant,
Vivre dEspoir est moins amer
Que la douleur de vivre sans
sommaire
Vertiges
Et voici lhomme.
A peine a-t-il quitté les rives de lenfance,
Aspiré par les rets des intimes courants
Qui le traversent ;
A peine ses parents ont-ils levé la herse
Qui le tenait comme un grappin loin des brisants ;
Et voici que les vents soufflent avec violence
Sur locéan frondeur de son adolescence.
Lancre est rompue.
Le matelot,
Ivre déjà sous le chant de sirène des flots,
Hurle sa joie de nêtre plus,
Dans ce bateau,
Gréé par sa seule âme et par son jeune corps
Le second ni le mousse à son bord.
Dieu lui-même paraît être un lointain amer.
Le nouveau capitaine est le maître des mers ;
Il entend le rester.
Et voici lhomme né,
Accouché par ses propres tempêtes,
Déchirant de ses crocs naissants, comme une bête,
Le placenta ou le cocon de son passé.
Hier encore il était nain.
A présent il se sent bien armé pour demain.
Les projets, les désirs, tournent un peu sa tête ?
Quimporte si son cur est vaillant, si ses mains
Etant certaines de leur fait, ne tremblent pas,
Sil est honnête.
Il ne permettra pas
Que son projet faillisse.
Regardez ce titan, comme il surfe inconscient
Sur les immenses déferlantes de ses rêves.
Et sil vient à croiser quelque autre embarcation,
Comme la sienne, de fortune ou daventure enjouée,
Il lui naît un désir de jouter
Il en appelle au vent, il réclame de leau.
On le sent presque prêt à mordre dans létau
Est-ce toujours ainsi que lon devient adulte ?
A coups de dents, à coups de crocs ?
En lhomme qui se crée le peu dorgueil exulte
Et cela fait des guerres
Et cela fait du sang
Et voici lhomme décevant
Le fils exactement à limage du père
Lenfant reconnaissant du sein de la guerrière.
Et voici lhomme décevant
sommaire
Vers la fin de
ce siècle
Vers la fin de ce siècle ou lorée de cet autre,
Un millénaire étant en cause,
Un homme, bon apôtre
En ce qui le concerne,
Mais en toute autre chose
Intransigeant en diable,
Prétendait éclairer du bout de sa lanterne
Le passé, le présent et se croyait capable
Au fer de son esprit de retourner le monde.
Comme il était brave homme en sa brave croisade
Il jugea, à propos, que la terre était ronde
Et que, ce nonobstant, toutes les ambassades
Avaient conflits entre elles
" Paradoxe ! dit-il, ôtons-nous cette sangle !
Et tâchons dapaiser un peu la jouvencelle !
Une terre cubique arrondirait les angles
Allons-y ! " Le moyen ? Il y songea longtemps
Mais ne le trouva pas.
- Tant mieux au demeurant
Car lastuce en ce cas
Paraissait incertaine :
Souvent on trouve causes de certains effets
Qui ne sont que croquemitaines ;
Et le mal que lon fait
En voulant réparer sans trop savoir les choses
Atteint par ricochets les bonnes fées marraines.
Notre héros vexé par ce rêve avorté,
Mais nullement découragé,
Jugea pratique et opportun
De revoir à la baisse un peu ses ambitions.
Cette idée était sage en théorie, mais vint
Le moment délicat de passer à laction :
Il voulut de ses maux purger toute une ville.
Une ville ? Non pas ! mettons rien quun village,
Un clocher, un hameau
Une horde futile
Et bruyante denfants sévissait dans le voisinage.
Et ce nétait partout quenvie de remuer !
Notre homme aimait le calme et la tranquillité
Il soffrit le conseil dHomos Hibernatus
Experts en la façon de caresser le vent :
Quil toussât, quil pouffât,
Son conseil approuvait et lui donnait quitus.
- On trouve de ces gens assez facilement
Chez les adeptes de Bacchus ou de Soma.
Il fit donc décréter par ce divin moyen
La règle incontournable qui dorénavant
Jugerait à la fois et du mal et du bien
En sappliquant au ban comme à larrière-ban :
Chacun devait le jour seulement reposer ;
La nuit venue chacun devait juste dormir.
Cette loi plut aux uns ;
Quant aux autres, les pires,
Ils avaient des projets et se demandaient bien
Comment, à quel instant ils pourraient les mener
Même aux oiseaux notre homme entendit appliquer
Cette règle, et aux chiens, aux renards, aux ruchers,
Toutes gens incongrues despèce délétère.
(Cela dit cette loi ne devait rien changer
Au sort béni des vers de terre et des rochers
)
Pour les autres cela ne dura quun hiver
Car au premier printemps qui suivit le décret
La nature impétueuse avait repris ses droits !
- Cest ainsi ! Lon convient au royaume des lois
Que la plus naturelle est souvent la plus vraie
Notre homme sentêta et fort de son soutien
Il tâcha dendiguer
Toute velléité
Ou de fête ou de vie.
Il sentêta pour rien :
Il tâcha mais faillit.
Un mot plus haut que lautre emporta son destin.
Un soir comme il allait par les quatre chemins
Il croisa sur sa route un homme déplaisant :
Cétait un homme différent
" Hé là ! manant ! dit-il, fi çà ! hors de ma vue !
Les étrangers ici ne sont pas bienvenus ! "
Notre drôle sétait, sur son lopin de terre
Empereur couronné
Que lon ose paraître ainsi dans sa lumière
Et ne pas lencenser !
Ce nétait au bas mot que lèse-majesté !
Lautre sétonne en vain : qua-t-il donc fait que
dêtre ?
Est-ce un crime vraiment de passer ou penser ?
Il neut pas le moyen de se faire connaître
Et de dire à ce dieu
Sa bonne volonté :
Car le maître des lieux
Par la bile échauffé
Claqua tout net et sans procès.
Eût-il pas mieux agi en soignant ses abcès
Avant que de prétendre à soigner ceux des autres ?
Tel en tout se croit blé qui nest rien plus quépeautre.
Eût-il pas mieux fait découter ?
Maintes fois la rencontre ouvre lintelligence ;
Le bonhomme sans doute avait quelques idées
Mais mesurée à laune de son importance
Et trop rapidement par lui seul élevée,
Pour fine quil croyait, lhuître savérait grosse :
En fait de vérités
Cétait des idées fausses.
On le lui fit bien voir.
Enfants qui écoutez à présent cette histoire
Apprenez la leçon de votre triste aîné :
Mieux que révolution vaut la métamorphose.
Cela nempêche en rien vos rêves, grands destins.
Mais pour les accomplir, avant toute autre chose,
Il faut changer soi-même
Et ce chaque matin.
Appréciez comme il vient tout nouveau paysage !
Soyez sincèrement ouverts, tendez la main !
Car le siècle prochain sera à votre image
Et, sil en est ainsi, un grand siècle de Bien.
sommaire
Mes Hommages...
Mes hommages
Au fromage ;
Meilleurs sentiments
Pour les condiments ;
Mon profond respect
Au cul du poulet
Que le sot-l'y-laisse
En ignorant tout du divin croupion !
Mes salutations
Pour le saucisson
Dont la rondelle est
Délicate à souhait ;
Mais par-dessus tout
Je voudrais qu'on laisse
La palme du goût
A la belle hôtesse,
Et...
Ma gratitude à la bonne Gertrude
Qui a mis pour nous son tablier chou
Et les petits plats dorés dans les grands
Pour émoustiller nos palais gourmands...
Certes l'addition est un peu salée
Mais faut voir à qui elle a profité :
Ah ! mauvais Etat qui nous fait jeûner
Quand le plaisir est de se régaler !
Aussi je donne en conclusion
A toutes fins de contrition
Mon extrême onction à lextra-ponction
De lassiette fiscale
Sur notre assiette ovale
Grippe-sous, politiques papys,
Qu'ils nous lâchent un jour les papilles !
Et qu'enfin dans ce beau pays
Nous dégustions sans qu'ils nous pillent...
sommaire
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