Textes du ballet 2006
de l'Association "Sous le Signe de la Danse" : textes écrits et dits en
voix-off par votre serviteur, les 9 et 10 juin derniers au Quartz de Brest (1600
personnes). Public très réactif (hilare jusqu'aux applaudissements sur le texte du Jazz,
et profondément concentré pour la seconde partie zen).
un jardin extraordinaire et Roméo et Juliette (Et Pourquoi Pas ?)
écrits pour le spectacle d'Yvette Maguérès (chorégraphe et très
chère amie),
" Et pourquoi pas ? ", donné les 17 et 18 juin 2005 au grand théâtre
du Quartz, à Brest.
Textes dits en voix off par l'auteur :o) (en octobre le son témoin du
spectacle)
Ballet Jazz de Clarisse Pont Texte de Thierry
Cohard
Bonne nuit
Ce soir, les Ballets de Minuit vous présentent " La nuit dans tous ses
états ", un spectacle de Clarisse Pont. La jeune chorégraphe, à peine sortie
de lenfance, revisite la mythique histoire de Roméo et Juliette, avec un rien de
poupée Barbie et de Ken, légèrement teinté de West-Side Story
La scène dexposition nous emmène dans lintimité dun couple à
lheure du coucher.
Lui, Georgio, type italien, 1 mètre 90, 85 kilos de muscles est maçon à la ville.
" - Salut ! cest moi, Georgio, type italien, 1 mètre 90, 86 kilos
de muscles, maçon à la ville "
Elle, Cindy, belle comme une héroïne de conte de fées, 90-60-90, est danseuse de
cabaret de son état.
" - Bonsoir, moi cest Cindy ! Je suis belle comme une héroïne de
conte de fées ! Des mesures à ma démesure : 90-60-89 et demi. Je suis
danseuse de mon état et jaime, jaime le beau Georgio ! "
Le couple va se coucher :
Elle : " - Bonne nuit mon nounours ! Noublie pas de mettre le
réveil matin ! sinon tu seras en retard au travail et ton patron ne sera pas
content ! "
Lui : " - Pas dennui, ma nénette ! Euh ! le
réveil je le mets où ? "
Ainsi commence notre histoire. Et nous tremblons que la nuit porte à ce si merveilleux
amour, un coup fatal
La peur dans la ville
Deuxième scène : danger ! La ville, la nuit, si vile nuit à la vie civile.
Des loubards partout, comme des toutous, sortant des bars, montrent les dents comme des
loups.
Georgio, malgré son mètre 90, ses 86 kilos de muscles (" -
87 ! ") et sa maçonnerie a peur :
Georgio : " - Oui, en effet, je ne suis pas très
rassuré "
La rencontre mouvementée
Cest la nuit, la banlieue, un gang ; et son petit chef sen prend à
Georgio :
" - Aboule un peu la came, rital, file la monnaie ! Sinon jte
rfais ton brushing à lenvers Alors texécute ? "
Georgio ne sait que faire : se battre ou se tirer ?
Alors, heureusement, le destin qui préside aux destinées destine : Georgio avise
une meuf ; une chouette poupée ! Cest la sur du chef de la bande,
il comprend. Cindy, que désormais il appellera sa " Nénette " est la
femme de sa vie.
Cindy : " -Fredo, mon bon frérot, laisse-moi vivre ma vie !
Jaime le beau Georgio ! Laisse-moi partir avec lui ! "
Bing ! Bang ! Boum ! Pif ! Paf ! Pouf !
On senvoie des torgnoles comme un pizzaïolo à sa pâte à pizza
A la fin, Georgio, le bel italien et Cindy, son amie nénette, senfoncent seuls
et amoureux dans le silence de la nuit bleue.
La soirée Salsa
Alors Cindy dit : " - Viens, mon bel italien ! Viens je
temmène dans le monde merveilleux de la nuit ! Ce soir, il y a une
soirée Salsa. On y dansera la Salsa ! "
" - La Salsa ? Cest sale ? cest ça ? "
" - Que nenni, mon nounours ! cest la danse sensuelle par
excellence exquise ! jte présentrai mes copines "
Cest ainsi que Georgio, le bel étalon italien, sétala sans télé sur la
salsa sensuelle, et la non moins sensuelle, Amanda la copine ! Ah !
Amanda ! la si sensuelle amande amère de cette belle histoire damour entre
Cindy et lui, Geogio !
La soirée Pyjamas
" - Georgio ! Et si on se faisait une soirée de pyjamas ! On
inviterait nos amis que lon aime. Je mettrai ma nuisette de nuit ! "
" - Ah ! que cest une bonne idée, ma nénette ! jaime
vraiment beaucu quand on invite ici les amis que lon aime et quand tu mets ta
nuisette de nuit ! "
La soirée Disco
Le lendemain Georgio, musclé, courbaturé, ne veut pas être en reste : sa jolie
nénette il a invitée à une soirée de disco.
" - Le disco, ça te tourne la tête ! Comme il est écrit dans le titre
du tube des blue-jeans : Ca tourne des nattes ! Feu vert ! "
La danse est effrénée ; la Cindy survoltée ; et le Georgio courbaturé. Il
veut rentrer. Elle ne veut pas. Elle et son 90 B ; 88 kilos de muscles de son
côté Et forcément, ils sont rentrés.
La soirée Cabaret
Enfin cest le jour J, le D Day, Day J, le D J ! La soirée Cabaret, le grand
soir du spectacle dans lequel Cindy danse dedans. Toutes ses copines danseuses de Cabaret
sont là. Et comme elles sont affriolantes, Georgio est tout affriolé !
" - Ah que je suis affriolé ! "
Et en effet, avec larrivée de la si sensuelle Amanda, la scène dopérette
du deux va tourner en vinaigrette à trois !
Amanda laguicheuse, la mauvaise copine, la nympho-derche, la vamp hardie aux yeux
de braise, 06-86 / 91-59-88 et demi, la rivale a pris le beau ravioli pour unique objet de
son brûlant désir et ses lèvres frôlent en les attirant comme un puissant aimant les
lèvres de Georgio qui est éperdument séduit.
Paf ! la baffe ! Clac ! la claque ! Cindy tout feu tout flamme et
toute jalousie a réagi.
Georgio na pas eu mal, mais il est atteint dans sa dignité de mâle. Il le dit
à Cindy : " Je suis tatteint dans ma dignité de mâle ! "
" Cest tant pis pour toi ! " lui répond Cindy.
" Tu ma prise pour une pomme ! et tant mieux si ma tarte
tatteint ! "
Voilà, le drame est noué ; la rupture est consommée.
La colère
Cindy ne veut plus entendre parler de Georgio. " Je ne veux plus entendre
parler de Georgio ". Il la trahie. " Il ma
trahie ! " Il sest montré indigne de son amour si pur, sinon par
action, sinon par omission, du moins par étourdition, il a trompé sa nénette jolie dans
les bras tentaculistiques de lignoble sangsue dAmanda. Les amis de Georgio
intercèdent pour lui auprès de la douce Cindy, mais en vain, quand le carrosse redevient
citrouille, quand les laquais sont des souris, après minuit, elle les repousse avec la
plus grande fermeté. Les amis de Georgio se sont vite lassés dintercéder sans
suite pour cette cause si perdue Elle ne laime plus ; cest
dit ; cest fait : il est fini.
Errance
Il est cinq heures ; Paris séveille. Les balayeurs nont plus sommeil.
Cest normal ils ont bien dormi. A leur réveil, les balayeurs balayent Paris comme
dautres prennent un café crème à presque deux euros et demi il est cinq
heures et un demi !
Dans un parc, effondré, le bel italien se lamente : il est trop con-trit de la
perte de son ex. Bouhouhou ! un kleenex. Sil pouvait prendre du typex et
effacer lodieux baiser quil a donné à lAmanda ; Bouhouhou !
un kleenex ! Il pense : " Dura lex, sed lex ! "
Bouhouhou ! un kleenex ! Après tout cest quun réflexe
Bouhouhou ! un kleenex ! Elle est du genre quun rien vexe !
Bouhouhou ! un kleenex ! Tout ça pour une histoire de sexe ! Et même
pas ! Bouhouhou ! Oh ! plus de kleenex.
Le cauchemar
Epilogue
" - Georgio ! nounours ! allez ! debout ! Tu vas encore
être en retard à ton boulot ! "
" Aaaaaatends que je me réveille ! ma nénette ? Cest toi
Cindy ! Je croyais tavoir perdue ! Jai fait un affreux
cauchemar ! Ecoute je vais te raconter ! "
Didascalie : A la fin de
chaque quatrain (excepté le dernier), le poème fait ses commentaires ad libitum (à
propos de la page blanche, des versets ou déversés, sur l'intelligence des propos et de
la "vérité" du 9ème vers, sur Archimède... propositions). Mais le chef
d'orchestre impatient, le rappelle à l'ordre en tapant de la baguette sur son pupitre !
Alors la mélodie reprend, impérative...
Le p'tit poèm' stressé
:
" - Je suis un p'tit poèm' stressé.
On m'a fait court ; je suis pressé.
Je peux juste aller jusqu'en bas
De la page - et c'est déjà ça ! (ad libitum)
Moi, mon unique liberté
C'est un bristol d'un seul côté :
J'ai le recto pour m'exprimer ;
Au verso, il y a des versets... (ad libitum)
' Quand on est p'tit on n'est pas grand '
Partant de là, pour exister
Faut réfléchir avant d' parler
Et dire un truc intelligent ! (ad libitum)
Plus que trois centimètres avant
Le bas d' la page et c'est fini !
C'est pas beaucoup même en tout p'tit...
Vite ! une astuce... Ah ! j'ai trouvé ! (ad libitum)
Il suffit de se terminer
Tout comme on avait commencé :
' Je suis un p'tit poèm' stressé
On m'a fait court et compressé...' (au 3ème vers en boucle)
Un escargot lent
Portant sa coquille
Allait prudemment
Vers une Laitue...
Elle avait tout l'temps
- C'était une fille -
Et bavait pourtant
D'envie de laitue...
Oh ! Ah ! Hi ! Quels sont ces cris
Qui m'écorchent les tympans ?
Révolution de Paris
Ou caprices d'un enfant ?
Ce n'est que le jardinier
Qui n'est pas - pas du tout - content
De voir ce qu'il a semé
Convoité par un rampant !
Pour un escargot...
La bête est énorme
Qui brandit au bout d'un bras menaçant
Une bêche ! " - Ô Dieu ! Pitié pour mes cornes
Et mon doux fardeau, mon appartement !"
Rien n'y fait ! le monstre a levé son arme
Et il frappe, frappe, effroyablement...
Le sol tout autour du brouteur en larmes
Et creuse tranchée tout en l'évitant !
"- Holà ! l'escargot! tu veux ma salade ?
Ce n'est pas gagné ! ce n'est pas gagné !
Il va bien falloir que tu escalades
Le petit fossé que je t'ai creusé !"
Ainsi en bonne intelligence,
Hormis qu'ils étaient opposés,
Un escargote, un jardinier,
En dépit de leurs divergences,
Ont bien vécu sans s'écorcher
Sur la même laitue.
Je pense
Ainsi qu'il faut nous accepter
Malgré, parfois, nos différences,
Ils avaient des tomates-cerises à ne plus trop savoir qu'en faire.
Parfois, elles poussaient comme un champignon écarlate, bubon unique sur le bout de leur
nez. C'était un moindre mal. Mais ils se tenaient à l'écart du monde, clowns ridicules.
D'autres fois, elles leur venaient sous les aisselles, en grappe, et cela les forçait à
marcher les bras en l'air. Dans un souci des conventions, ils faisaient mine de voler...
Mais toujours les tomates-cerises pesaient, gênant le décollage.
Certains en avaient sous la plante des pieds. Ils roulaient. D'autres
encore dans les cheveux, le cervelet, la moelle épinière, et au niveau de troisième
cervicale... On les croisait, marchant courbés, comme de vieux plants, la branche basse,
rouges de honte et de douleur et de cerises.
Les fées ne voyaient pas ce manège d'un très bon il. A quoi
pouvaient-elles bien servir si les métamorphoses s'opéraient d'elles-mêmes ? On fit la
grève des ailes, on manifesta à la baguette. Cela n'eut qu'un seul effet : les
tomates-cerises en profitèrent pour proliférer... Elles envahirent les vêtements avec
application, puis les appartements, les bars, les bouges, les trottoirs, même les
abris-bus...
L'uniforme à la mode était d'un rouge pourpre, un rouge
tomate-cerise...
Les fées, désemparées, tapaient d'un pied rageur sur les cohortes
tomatières... On vit même quelques anciennes croquer de rage à pleines dents dans cette
mêlée démentielle.
C'est ainsi que, totalement par hasard, fut inventé le coulis de
tomates, et l'étonnante croque-au-sel qui mit fin au rouge fléau...
Les fées du nouveau monde découvrirent le Ketchup... Mais c'est une autre histoire,
sans intérêt majeur...
L'ambiance était bien tiède. Une buée vinifère opacifiait les sens.
L'inspecteur stagiaire entra prudemment sur les lieux du crime. Il concentra d'abord son
attention sur la position relative des murs... Rien à dire ; tout semblait à sa place :
le plafond plafonnait ; le plancher planchait ; les murs muraient de concert face à face
et en silence... Rien à redire à cela...
Pourtant il fut surpris par un détail curieux : il manquait un cadavre
! Or en matière criminelle, c'est une chose indispensable qu'un cadavre. Cela sert
lavancement, entre autre Sans cadavre pas de meurtre ; sans meurtre pas
d'enquête ; sans enquête pas dinspecteur, pas de femme dinspecteur, pas
dhistoires grivoises sur le joli minois et les dessous coquins des femmes
dinspecteurs, pas de parties de belotes avec les collègues, pas de pastis sur le
tapis des cartes, pas de cartes près des verres à pastis, pas de verres, pas de cartes,
pas de pastis. Rien de rien. Non ! rien de rien Et il regrettait tout !
Dun revers de manche rageur, le commissaire chassa laffreux
soupçon de ce néant hypothétique. Il lui fallait trouver un cadavre sans tarder ;
un cadavre ou deux Il se mit en quête, lattention doublée
Ca et là, des bouts de carottes, des pelures d'oignons, des
épluchures de pommes de terre jonchaient la table de travail. Ce désordre apparent
témoignait sans conteste de l'extrême violence des faits. Parmi les détritus qui
parsemaient la scène, le commissaire principal nota avec intérêt la présence suspecte
de deux couteaux : lun, économe, au manche réduit, gisait au fond du lavabo,
tout maculé détranges taches damidon. Bizarre bizarre !
bougonna-t-il Lautre couteau était de belle taille, lame affilée, manche
boisé comme un grand fût de sapin clair, et fraîchement lavé
Bizarre bizarre ! reprit, dans un sourire entendu et altier, le
commissaire divisionnaire : cette fois je tiens larme du crime ! Mais des
deux lames prétendantes, laquelle allait être lélue ? A défaut de cadavre,
il nest jamais de certitude. Sans certitude, pas de coupable ; pas de coupable,
pas de procès ; pas de victoire, pas de lauriers ; pas de photo en première
page, pas de discours à lassemblée, pas de baisers dadmiration de la
bourgeoise transportée, pas de réception à lÉlysée, pas de médaille, pas de
champagne à lapéro, pas de petits fours, pas de golf, pas de flûtes
Non ! rien de rien Et il regrettait tout !
Dun revers de manche rageur, le ministre de lintérieur
chassa laffreux soupçon de ce néant hypothétique. Il aurait ce cadavre coûte que
coûte ; ce cadavre ou ces deux ou ces trois Il se remit en quête,
lattention triplée
La plaque de cuisson cuisait par vocation. Il faut un flair de chef
détat pour mâter le fond des marmites Notre homme sy intéressa.
Enfilant ses gants de parade et son courage à quelques mains, il souleva, comme on
démine, un couvercle à laspect suspect
Le Bourguignon de la patronne baignait en morceaux dans son jus.